Vos textes
Le Carnet
Un jour j’ai trouvé un carnet. Quand je dis un jour, c’est récent. Pas longtemps après le déconfinement. Il n’était pas très grand, ce carnet, mais en tout cas il était là sur la route, oublié, presque écrasé. Une trace de pneu l’avait déformé, suffisamment pour que je m’interroge : pourquoi ? Est-ce qu’il était tombé d’une poche ou d’un sac ? Avait-il été abandonné, sacrifié ? Une voiture a eu le temps de me passer sous le nez. J’ai retenu ma respiration pour de longues secondes - l’angoisse qui tarde à passer, tic tac tic tac tic… tac. Puis la couverture grise a été de nouveau visible. Enfin, grise ? Elle pourrait être bleue. Ou bien noire. Je ne sais pas trop, à vous de me le dire. Bref. Les roues, cette fois, l’avaient épargné. Je me suis dépêché de m’en saisir avant qu’un autre véhicule ne vienne mettre sa vie en péril - ou la mienne. L’objet en main, j’ai hésité. Ça devait être plein de germes, un truc abandonné comme ça. De toute façon, c’était trop tard. Je l’ai gardé sous le bras, toujours perplexe. Un masque jeté sur le bitume, ça, oui, je connaissais. Mais un carnet ? C’était quand même autre chose, une nouvelle étape. J’en ai oublié d’aller acheter du pain, en rentrant du travail. Je n’ai pas tardé : je voulais le lire. Ce n’est peut-être pas très bien. Je sais. Ou plutôt non, je ne sais pas. La preuve : je l’ai fait. Ce n’est pas comme un téléphone ou un porte-monnaie, il n’a pas de valeur monétaire forte. Un attachement sentimental, à la limite. Sauf qu’à la vue des feuilles - peu utilisées, ondulées après la pluie des derniers jours, ce n’était pas le cas. Il y avait aussi la possibilité qu’il ait été bazardé sur la route, comme ça. Exprès. Ça m’a encore plus donné envie de le lire. Donc je l’ai fait. Les coudes sur la table, un jus d’orange devant moi.
On m’a fait sortir de mon occupation. J’ai grogné - un peu, pour la forme. Je commençais à effleurer le mystère et je voulais le percer. Heureusement, on ne m’a pas trop parlé. Ou si on l’a fait, je n’écoutais pas. Je découvrais un certain Mathieu. Très sympathique, au demeurant. Peut-être un peu dramatique. Ce qui était parfait pour me divertir. Vite, les pages ont manquées, et je me suis rendu compte que j’avais mal au dos, à plisser des yeux pour décoder les bavures de la météo. Parce que oui, monsieur avait utilisé un stylo-plume. Belle écriture, avec des arrondis et des déliés. Pas ce qu’il y a de plus lisible - à imaginer après deux ou trois soirées humides, sinon pluvieuses. Pour ma chance, le soleil avait aidé. Les pages étaient maintenant plus épaisses, un peu rigides, légèrement fripées.
Le lendemain, j’ai pris le même chemin. J’ai regardé autour de moi en passant devant la route où je l’avais récupéré. J’avais le carnet en main et le nez en l’air. Je voulais trouver ce Mathieu. Pour lui rendre son carnet ? Pas sûr. Je commençais, comme je l’ai dit, à le comprendre. Lire ses journées et ses angoisses m’avait donné une idée assez claire de sa personne. J’avais l’impression de le connaître. Tic de lecteur, j’avais aussi, je dois l’avouer, un petit sourire en coin : je me sentais dans la connivence, être un peu supérieur face à ses lubies. J’ai longuement jaugé - sinon jugé - les autres passants. Etait-ce lui ? Oh, non, lui, le monsieur qui faisait du footing ! Celui qui faisait ses courses, peut-être ?
Mais non, définitivement pas. Parce que Mathieu, lui, ne serait pas sorti. Pas sans écharpe ou masque et gants et gel hydroalcoolique. Clairement. Et son carnet, qu’il l’aime ou pas, il n’y aurait plus jamais touché. Contrairement à moi, les germes, pour lui, c’était très très sérieux.
J’ai pris le temps, une nouvelle fois, de désinfecter la couverture. J’ai emballé le carnet dans une pochette plastifiée, pour lui épargner la pluie. Puis je l’ai abandonné sur un banc, dans le petit parc, de l’autre côté de la ville. Histoire de le faire voyager, de partager ma lecture.
Avec un peu de chance, vous tomberez dessus, un jour.
Si je devais parier, je dirais que Marcella (Marcy ?) s’est vengée. Et que Mathieu l’a bien cherché.
HA
Vos textes
Par la fenêtre
Fenêtre enclose sur monde sans horizon
Il y a quelquefois une main sur la vitre
Elle se pose là lasse de ses rencontres
Attend ou désespère sans conditions
Il y a quelquefois une main sur la vitre
Qui seulement pour oublier son abandon
Attend ou désespère sans conditions
C’est un reflet de misère ou bien une ombre
Qui seulement pour oublier son abandon
Voit le temps qui traîne et ses fantômes qui pleurent
C’est un reflet de misère ou bien une ombre
Un écho, un reflet qui jamais ne se rompt
Voit le temps qui traîne et ses fantômes qui pleurent
Il est l’heure de se cacher alors isolons
Un écho, un reflet qui jamais ne se rompt
Bridons les regards - s’envolent les sourires
Amandine H
Vos textes
Texte 20
Fin du confinement
Nous sommes des rêveurs et peut-être …
Partager, vibrer le temps d'une émotion,
Écrire pour le plaisir de transmettre,
Laisser traçe de nos illusions,
De nos inquiétudes, de nos désirs
L'envie d'entreprendre, d'imaginer
Tranquille je m'efforce pour dire
Vouloir créer et pouvoir rêver
Tout est simple en théorie
La puissance de l'Histoire
Petits bonheurs et plus si …
Cette force m'aide à croire
Après deux mois sensationnels
De contradictions et ressentiments
Que désormais la vie est belle
Sans les contraintes du confinement
Dominique CROCQUEVIEILLE
Vos textes
Mains Brûlées
Phalanges ensanglantées
Ivres d’alcool
Malades d’un fléau qui déshumanise
À quoi avez-vous été soumises
Dans quelles eaux sombres
Vous êtes-vous salies
Continuez de vous purifier
Mais sortez de vos gants
Ne soyez plus désœuvrées
Vous réunir est pressant
Mains blessées
Paumes vers le ciel
Grandissez vers l’Unité
Implorez protection
Réconciliation heureuse
Sororité
Soyez manifestation divine
Prière de contrition
Tissez le blason de l’Amour
Jouez musique de troubadour
Caressez la détresse amère
D’une profonde solitude terrestre
D’un monde sans vertu
Que vos doigts deviennent Lumière
Faisceaux d’une sagesse annoncée
Imposez-vous sur la Terre
Guérissez nos Vies.
Hélène RAITH
Vos textes
16 MARS 2020
Jupiter joue la pandémie
À vos masques prêt …
Contrôle sur nos vies
Le monde à l'arrêt
Nous savoir confinés
Sourires et paroles politiques
À deux, on va affronter
En aiguisant nos critiques
Petits plats en amoureux
L'un contre l'autre
Tout faire à deux
L'un pour l'autre
Introspection et créativité
De longues conversations
Nouvelles vies à inventer
Pour deux mois de prison
Ferme les yeux, sensations
Écoute les oiseaux chanter
Laisse vivre ton imagination
Nous allons flâner et rêver
À l'épreuve du temps
Fier et fort de t'aimer
À la vie et pour longtemps
Libres heureux et déconfinés
Dominique CROCQUEVIEILLE
Vos textes
"Une Terre Renouvelée" pour le déconfinement
Survivants de nos solitudes
Redressés vers une autre altitude
Nous voilà rescapés
D’un naufrage de longue durée
Nos destins ont explosé en doutes
La peur a fragilisé nos soutes
Un nuage noir indéfectible
Pâlit le visage de l’humanité
Un brouillard perceptible
Flotte sur nos pensées
L’anticyclone est encore lointain
Là où pousse le bel engrain
Notre confiance est affrétée
Parée pour une longue distance
Destination Fraternité
Où les aiguilleurs du ciel augurent
Que les pistes seront éclairées
Atterrissage prévu à l’heure
Sur une Terre Renouvelée.
Hélène RAITH
Vos textes
Confinement
Courir dans la cour avec nos amis, c'est fini !
On a tous dû rentrer se confiner.
Nous sommes bien serrés ! Mais c'est comme cela qu'on l'a décidé !
Finis les anniversaires avec un gâteau et tous nos amis en ouvrant ses cadeaux
Infiniment longue cette période sans école !
Nous arrivons à la rendre un peu plus animée en jouant aux jeux de société !
Est-ce que nous pouvions imaginer qu'être confiné viendrait s'incruster dans nos vies ?
Maison, maison, maison ! Toujours la maison !
Envie de retrouver ses amis et bien non, c'est fini !
Nouveau sera le monde après le confinement.
Toujours nous nous souviendrons de cette période inattendue !
Chloé
Vos textes
Depuis le début du confinement,
Nos habitudes ont subi un chamboulement.
Pour certains, s’adapter n’est pas évident,
Mais nous avons tous obtempéré courageusement.
Les magasins fermés, la détresse des commerçants,
Nous ont obligés à penser autrement.
Télétravail et vie à la maison sont les règles maintenant
La solidarité et l’entraide s’organisent facilement.
L’essentiel et la priorité reviennent au premier plan.
On réfléchit, on s’interroge sur notre comportement.
Les animaux et la nature nous remercient de ce changement.
Et après ? Allons-nous tout reprendre comme avant ?
Ou pourrions nous en profiter pour vivre différemment ?
Ce que je souhaite, et je l’espère vraiment,
Serait que cette parenthèse ne se ferme pas simplement,
Sans des conséquences positives pour nos enfants.
Que pour eux, nous soyons capables de prendre le temps
De construire un monde plus beau, plus juste, plus apaisant.
Tous ensemble soyons forts, fiers et intelligents.
C’est mon espoir pour demain et tous les jours suivants.
Véronique WEISS
Vos textes
En mai libéré
Le monde se hâte, prompt
À ne rien changer.
Les morts et les peurs
Dans les tombes reposent
Rêves oubliés
Vos textes
Confinement au printemps
Chant des pies bavardes
Plainte du monde malade
Captifs au printemps
Tout petit monde
Fenêtres frontières
A l’horizon, des balcons
Un monde exigu.
Confinés solitaires
Eloignés des proches
Plages de temps infini
Prisonniers de soi.
Les délaissés
Vacuité des heures
Vacuité des cœurs, ils pleurent
Nos vieux délaissés.
Fabienne.N
Vos textes
Le confinement
À la fin tout bonnement
Comme un oubli
Le cœur figé
Une longue rêverie
Esseulée, sans envie
Possible retour à la vie
Que faisons-nous là
À prendre sans donner
Sans homme hébété
La nature s’éveilla
Est-ce le futur
FB
Vos textes
Vos textes
Gestion du temps
[Date précise inconnue]
Hésitation entre un lundi, un mercredi, ou bien un dimanche. Tergiversations, marge d’erreur élevée : possibilité de jeudi (ou de vendredi, ou de mardi). Ciel bleu par la fenêtre, visible derrière l’appartement d’en face. Pie repérée en début de matinée sur la rambarde grise. Bruits métalliques quand elle sautille.
Elle me pépie dessus ?
*
Jour x (confinement+13?)
Nous sommes encore en Mai - c’est ma seule certitude. Je ne suis pas sortie depuis que le confinement a été déclaré. Enfin si, trois fois. Une fois pour descendre les poubelles. Deux autres pour aider à remonter les courses. De rapides allers-retours. Sans croiser personne, sans traîner. Je mange un peu moins. J’aimerai bien me mettre au sport mais je ne sais pas si je pourrais m’y tenir. Je suis fatiguée.
*
Croiser les doigts pour que la connexion internet soit stable
Finir de préparer le diaporama pour la réunion du matin
? Ecrire (Les dissertations ne vont pas se faire toutes seules… Ni les exposés, ni le mémoire, ni...)
10-12h : vidéoconférence 1 (travail)
Appeler S.
Essayer d’obtenir l’adresse mail de T.
Manger
Essayer de contacter T pour le projet C
13-14h : vidéoconférence 2 (cours)
15-16h : débriefing du cours sur le salon du groupe
16-17h : réunion projet tureuré
Trouver du temps pour les lectures obligatoires (et conseillées ?)
*
Pour demain : écrire (urgent !) - répondre au message de T - retours de mails / commenter les travaux - respirer ? → bloquer un créneau x+15
*
Répondre commentaires travaux
Avancer écriture (!!!)
Commenter travaux des autres
Relancer T.
Etudier plans groupe C
Essayer de me mettre au sport ?
Lire
*
Dire à N. d’appeler (encore) le fournisseur internet
Prévenir groupe projet tuteuré
Ecrire
Lire
*
Correction projet tuteuré
Réunion projet tuteuré
Sondage " " " " " " " " "
Mettre à jour diaporama groupe C
*
Lire (!)
Envoyer mail parties I et II
RDV Vétérinaire - MASQUE
*
...Respirer
Amandine H
Vos textes
Règles de survie
Se confiner séparément, ne pas entrer en contact avec autrui
Bonne gestion des stocks
Utilisation de gants et du gel hydroalcoolique
Ecrire pour rester sain d’esprit
Essayer de ne plus cacher de PQ dans la chambre, au cas où
Ne pas sortir - sauf ravitaillement ou évacuation des déchets
Bien dormir, vivre la nuit si nécessaire
Ne pas oublier de se nourrir
NETTOYER tout ce qui est en contact avec autrui
“Stériliser” l’espace de vie (prévenir toute intrusion, ne permettre aucun ajout de l’extérieur)
Dans mes rêves parfois, Marcy la sournoise
Se penche sur moi, tout sourire. Elle a dans
Le but de me faire du mal alors je la toise
Allongé sur mon lit. Les germes et leurs relents
Sont là déjà - tous m’encerclent et l’incourtoise
A l’audace de rester. Le désinfectant
Est hors de ma portée - la voilà narquoise
Elle se sent gagner pendant que je suis mourant
J’étouffe et je crie, tout à fait désespéré
Pour enfin me réveiller devant la télé.
Mathieu S.
Vos textes
Le parc de la Planchette confiné
A jamais gravé
Contraint aux sanctions
Chez-soi s'enfermé
Le risque d'une contagion
Le bla-bla des infos
Contribuables infantilisés
Sans savoir le vrai du faux
Objectif nous culpabiliser
Perturbé est notre quotidien
Prisonniers entre quatre murs
Majestueux parcs et jardins
Notre belle ville murmure
Le printemps des jardiniers
Vertes pelouses et plantations
On tenait à vous féliciter
Et vous dire notre admiration
Performer toute l'année
Sous la pluie et le vent
Courage et créativité
Faire et refaire souvent
Un paradis à préserver
Les Levalloisiens ne font qu'un
Ne jeter ni mégots ni papiers
Encourager l'effort de chacun
Dominique CROCQUEVIEILLE
Vos textes
À quelques pas du rêve
À Léo mon fils, sa révolte
À Jacques Sternberg pour son humour décalé
Ils s’approchèrent, introduisirent la clé dans la serrure.
On leur avait signalé un appartement sans vie depuis quelques jours.
Un appartement dont le locataire, un voisin drôle et bon vivant, ne répondait plus aux légers coups donnés à sa porte.
Dans l’entrée du minuscule studio, ils découvrirent, au sol, un feuillet froissé.
Lentement, l’un d’eux déploya la petite boule, et se mit à déchiffrer l’écrit:
« Murs
Murs,
Murmures
Antre, mets, murs,
Mets solitaires,
Murmures
Antre, mets, murs
More, more and more
Mets, murmures
Antre-mets-murs
More, more and morts
Télévision
Entre mes murs
De poé-
Sie-po
Ésie
Si peu
Peau et zi-
-ppo
Oh oui ça oui
À ma fenêtre
(Temps)
Autrefois easy !
Facile oui
Zippo
Clopes
Cancer
Hop !
Easy autrefois!
Sexe non protégé
Sida
Hop !
Un peu nos responsabilités
Alors !
Mais aujourd’hui !
Aujourd’hui.
Rien à voir.
À quelques pas
Monts de lego
Bambins agités
À quelques pas
Consoles-toits
Jeux jeux jeux
Consoles-toits
Adolescentes
Jeux jeux jeux
Jusqu’à l’indigestion
À quelques pas
Des monts de lego
Et
Démon de l’ego
Des
Je je je
Moi moi moi
Adultes
Des mon
Des
Mon mon mon
Centrés jusqu’à
L’en nuit
Sur eux-mêmes
Console toi
Je me dis
Console toi
Mais
Moi
Non
Moi
Moi
Je crie
Question :
Suis-je
Exemplaire
En trop au logis ?
Que nenni
Né
Nid ?
Non
Pas que
Né
Nid
J’affirme
Que nenni
Arqué au logis
Que nenni !
Non
Moi vivant
Pas classable
Pas sujet d’étude fossile
Pour analyste
En mal de
En vie
Moi
En vie
(Temps)
Retour au logis
Au
« Logis
Que ment
Inaptitude
À y séjourner »
Besoin d’ailleurs
De départ
De
Poudre d’escampette
Je dis
Toutes ces
Peaux-z-au logis
Beurrrkk
Médocs
Beurrrkk
Pas pour moi
(Un temps)
Et soudain grossier
Je dis
Mais que je suis
Con in fine !
Con
Fini
Confiné
Et
In fine
Con
Damné.»
Sur le verso du feuillet s’ajoutait cette recommandation :
« À lire à haute voix, en détachant bien chaque syllabe ».
Et plus prosaïquement un Nota Bene :
« La clé est dans le pot de fleurs »
Il était parti.
Refaire la vie ?
Jean-Marc Haloche
Vos textes
On en était là, au milieu de nulle part.
Ames égarées dans le cœur de la nuit.
Les ravages du monde d’avant, avaient laissés,
A la place du cœur, un espace au désespoir.
Un filet d’amertume,
Un goût amer du passé.
Nous étions au centre, du rien,
Nous donnant la main, encore.
Et dans le vaste monde
Chaque nuit nous racontions
Pour nous réchauffer le cœur,
Le récit d’un abandon.
J’étais le nous à haute voix
J’étais le nous dans le miroir
J’étais le nous dans la mémoire
J’étais seule tu étais loin
Tu avais déserté déjà.
Je me raccrochais à la lumière,
Mettais mes pas dans les tiens
Et las, encore, le cœur ouvert,
Je me contais le temps d’avant.
Celui où tu étais encore ma Terre
Celui où naissait des enfants.
Extrait de Silences.
Laure ROLIN
Vos textes
Papa, Maman, le confinement et moi
Confinement. En entendant ce mot pour la première fois, j’ai rigolé un peu car il commençait par un gros mot. Depuis quelques jours, il est partout. À la télé, à la radio, dans la bouche de Papa et Maman et celles de tous les grands. « On va y avoir droit, nous aussi. Tu vas voir. Ça nous pend au nez », avait dit Papa. Je ne voyais rien sous nos nez, pourtant. « Arrête ! Ne parle pas de malheur », avait répondu Maman.
Un jeudi soir, le président a parlé à la télé et a annoncé qu’on ne pourrait plus aller à l’école. Mon école à moi est juste à côté de la maison, je peux même la voir de ma chambre. Si on mettait un long toboggan à ma fenêtre, je pourrais atterrir directement dans la cour de récréation. Mais maintenant l’école va fermer comme si c’était les vacances sauf qu’elles sont finies. Il fallait encore y aller le vendredi et après le week-end, on devrait travailler avec nos parents, faire ce que la maîtresse nous dirait sauf qu’elle aussi elle serait dans sa maison. Après le week-end, le président a encore parlé à la télévision et c’est là que le confinement a commencé pour de vrai. Presque tout était fermé, même la piscine, le cinéma et la bibliothèque. Tout le monde doit rester à la maison tout le temps, en France et dans tous les pays. Je pense à l’Esquimau coincé dans son igloo, l’Indien dans son tipi, le roi dans son château, l’astronaute dans sa fusée et le Génie dans sa lampe. Le confinement, ça veut aussi dire pas de foot avec les copains, pas de sorties au parc. On ne peut pas non plus aller voir Papy et Mamie, même ceux qui habitent la même ville que nous. C’est aussi interdit d’aller en vacances chez les autres grands-parents et même d’aller en vacances tout court. Tout ça ressemble à une grosse punition pour une bêtise très très grave puisque même les adultes sont punis. On a le droit de sortir un peu quand même, mais il faut remplir un papier à chaque fois et si on le fait pas bien la police peut nous demander beaucoup de sous. À la télé, Le président a répété « nous sommes en guerre », mais il n’y a pas de soldats, ni d’armes pour se défendre. À un moment, il a dit que la vie était au ralenti. Ça je connais, ils le font dans les matchs de foot pour voir s’il y a une faute et s’il va y avoir un penalty. J’ai aussi entendu quand il a dit que l’ennemi était invisible. Ça, c’est un superpouvoir que j’aimerais bien avoir ! Et puis, si j’étais invisible, je pourrais sortir sans qu’on me voit et aller où je veux.
Les gens allaient devoir porter un masque. Lola, ma sœur, m’a traité d’idiot quand j’ai dit que j’allais mettre mon masque de Spiderman. Maman n’a pas dit à Lola de ne pas me traiter d’idiot comme elle le fait d’habitude. Elle a la tête ailleurs, même si elle n’a pas l’air d’avoir bougé. Elle s’inquiète pour grand-père. Enfin, son grand-père à elle qui est le papa de Mamie. Pépé Gaston, il est si vieux qu’il ne sait plus rien faire tout seul. C’est un peu un enfant à l’envers. Il faut l’aider à manger, à se laver, à s’habiller et tout ça. Sa femme, Mémé Odette ne peut plus s’occuper de lui alors Pépé Gaston est dans un endroit avec d’autres personnes comme lui. Il vit dans un iPad ou un truc comme ça. Maman est triste car plus personne ne peut aller le voir. C’est trop dangereux, Pépé pourrait mourir. Il paraît qu’en plus, nous les enfants, on a plein de microbes sur nous et que si on tousse, si on éternue et on ne se lave pas les mains, on peut tuer des gens. Ça aussi on dirait un superpouvoir, mais un superpouvoir de très très méchant et un peu beaucoup dégoûtant, berk ! C’est plutôt un truc de super-zéro ou de super-crado.
Avec le confinement, les parents travaillent aussi à la maison. C’est bizarre, je ne les avais jamais vus travailler avant. Ça n’a pas l’air marrant ce qu’ils font ; ils sont toujours derrière l’ordinateur. Sur l’écran de celui de Papa, il y a beaucoup de chiffres. Maman, elle, c’est surtout des lettres et elle passe beaucoup de temps à parler au téléphone, des fois dans d’autres langues. Avec le confinement, tout est à la fois pareil et différent. Maman continue à mettre du maquillage, à bien s’habiller et à porter ses chaussures à talon qui font du bruit quand elle marche sur le parquet. Elle n’est pas allée chez le coiffeur et elle a de plus en plus de cheveux blancs ou un peu gris. Papa et moi on trouve que ça fait joli. L’autre jour Lola a fait des couettes à Papa tellement ses cheveux ont poussé. Maman dit qu’il ressemble à un surfeur qui attend sa vague. Moi, depuis le début du confinement, j’ai grandi. Je le sais car mon gros orteil du pied gauche a fait un trou dans mon chausson. On a l’impression que c’est le grand frère de tous les autres orteils. J’ai aussi appris plein de choses, mais toujours pas à ranger ma chambre d’après Maman. J’ai découvert des nouveaux mots. Au début, quand tout le monde parlait du coronavirus, j’ai cru que c’était un dinosaure que je ne connaissais pas où qui avait été découvert depuis pas très longtemps. Ma sœur dit souvent que suis obsédé par les dinosaures et m’appelle le dino-dingo. Après, Papa m’a expliqué que ça voulait dire « virus à couronne ». Dans ma tête, je l’ai imaginé comme un tout petit roi avec une toute petite couronne. Un roi très très méchant qui voulait tuer tout le monde pour montrer son pouvoir. Après, ils ont parlé du paon d’Amy et je n’ai pas compris ce que cet oiseau qui me fait un peu peur quand il se met à faire la roue et à crier « Léon » et une fille prénommée Amy font dans l’histoire. Maman m’a dit que ce n’était pas un oiseau et que ça s’écrivait en un seul mot qu’on utilisait pour dire que l’épi d’Amy était dans le monde entier. J’ai demandé qui était cette Amy avec un épi et Papa et Maman ont beaucoup ri.
...
Mathilde Coucke
Vos textes
Maintenant, je connais le message d’alerte coronavirus par cœur. Je le dis en même temps que le monsieur qu’on entend à la télé à la radio. Lola, ça la rend folle ce message. Quand elle entend la petite musique signalant que le monsieur va parler, elle se bouche les oreilles et part dans sa chambre. Parfois, elle se met à pleurer et deux secondes après, on l’entend rire le nez dans son téléphone. Maman dit que c’est la dolessence. J’espère que ce n’est pas un truc grave et qu’il y a des gestes barrières pour pas l’attraper.
Parfois, j’en ai un peu marre du confinement, on dirait que c’est toujours la même journée. Je demande si on est plus près du début ou de la fin du confinement comme quand on part en vacances et que je veux savoir si on plus près de la maison ou de la mer. Sauf que là, Papa me répond « on ne sait pas, personne ne sait » et que si je redemande un peu plus tard, la réponse est toujours la même.
Maman a moins de travail que d’habitude alors elle passe beaucoup de temps à nettoyer et à ranger toute la maison. Ça sent l’eau de Javel et le vinaigre partout. Je n’aime pas ça et ça me donne envie de vomir. Maman éternue et tousse souvent. Elle dit que ce n’est pas le virus, mais les allergies à cause de la poussière. Ce matin, elle a crié en tombant du tabouret sur lequel elle était montée pour ranger un placard. On a entendu un grand « boum » et on est tous venus voir ce qu’il se passait. Heureusement, elle ne s’est pas fait mal. En haut du placard, il y avait une sorte de petite valise avec une poignée qui dépassait. Maman voulait l’attraper et elle a perdu l’équilibre. Papa m’a soulevé et j’ai attrapé la mystérieuse petite valise avant de la donner à Maman. Elle était vraiment lourde pour une si petite valise !
- Il y a quoi dedans, Maman ?
- Une machine à écrire, mon chéri.
- Ça sert à quoi ?
- À écrire, idiot !
- Lola ! s’il te plaît, ne parle pas comme ça à ton frère !
- C’est à toi, cette machine ?
- C’était à votre grand-mère, quand elle était dactylo.
- Dactylo ? C’est quoi ça ? On dirait un nom de dinosaure, comme le ptérodactyle.
- Ah, j’ai vu ça dans un film. C’est quelqu’un qui tape très vite sur le clavier. Il y a même des concours.
- C’est ça, oui. Vous voulez essayer ?
Maman sort la machine de sa valise en faisant glisser la fermeture éclair. Ça sent le vieux. Ça ressemble à un clavier d’ordinateur, mais avec des trous entre les touches. En haut du clavier, il y a un creux dans lequel on peut voir plein de petites tiges. Et encore au-dessus, une sorte de rouleau. Maman met une feuille de papier toute blanche et tourne un bouton pour que la feuille glisse autour du rouleau. Elle tape une première fois sur le clavier ; une tige se lève et frappe la feuille. Une première lettre apparaît sur le papier.
- Tu écris quoi ?
Elle tape encore dix autres lettres et ça fait beaucoup de bruit. Je n’arrive pas à lire ce grand mot même si je sais reconnaître toutes les lettres. Lola le lit tout haut pour moi :
C O N F I N E M E N T
Tout à coup, je vois apparaître quelque chose en regardant le mot. Au milieu, il y a des lettres que je connais bien. On les voit dans les livres qu’on lit le soir avec Maman. Trois lettres qui disent qu’on doit éteindre la lumière et dormir avant qu’un autre jour se lève. Un jour, tout comme les histoires qui se terminent bien et où tout le monde est content, le confinement s’arrêtera. C’est pour ça qu’à l’intérieur du mot confinement, il y a les trois lettres du mot « FIN ».
Mathilde Coucke
Vos textes
D'ores et déjà rêvons à ce sentiment de liberté
Encore quelques jours et finies attestation et restriction
C’est sûr après ce temps de confinement
Optons pour la transformation
Nul ne pourra se comporter comme avant
Force, joie, sourire, entraide, passion
Imprimeront le soutien dans notre quotidien
N’arrêtons pas notre réflexion
Entrons dans la danse avec engouement
Mais sachons tirer profit de cette exaltation
En laissant derrière nous un individualisme encombrant
Nourrissons nos esprits inventifs
Trouvons des ressources dans l’espoir
MCW
Vos textes
Un Monde Nouveau
Homme
Renoue avec toi
Va aux confins de ton être
Dans ces cavités non explorées
Un voyage d’adrénaline
Dans le grand nord de ton passé
Les terres rares ne sont plus en Chine
Mais au centre de ta mine
Sors de ce sommeil qui nourrit l’ombre
Réanime ta vie meurtrie dans la pénombre
Homme
Il est temps
D’extraire toutes les croyances
Qui ravagent tes lendemains
Ne cherche plus le visage d’une mère
Les sécurités éphémères
Creuse au fond de toi
Meurs à ce qui ne t'appartient pas
Dans cet intime le plus secret
Dans tes mondes les plus discrets
Va enlacer cette lumière
Ouvre de nouvelles sphères
Traverse tes bas niveaux
Vois les dégâts de ton ego
Efface l’inutile
Abandonne le futile
Sauve ton âme du puits
Oh combien humble te voilà
Face à plus petit que toi
Un invisible venu d’ailleurs
Un révélateur de ton cœur
Cette épreuve ne te sera point finale
Mais une avancée idéale
Si tu crées avec tes Frères
Un Monde Nouveau
Inspiré et expiré par le Beau.
Hélène RAITH
Vos textes
Portraits d’enfants, leurs relations au temps et à la liberté
Pour Gabriel, confinement rime avec désenchantement. Enfant vif et intelligent, ses leçons et devoirs sont vite expédiés. Ses parents tentent de le convaincre et de l’occuper. Des moments en enfilade rythmés par les repas entre lecture, films, jeux, cuisine, sport... mais rien qui ne le satisfasse pleinement. Au fil de la journée, il trépigne, il bougonne, il cogite. Son caractère bouillonnant domine entre blagues exquises - il connaît par cœur toutes les répliques des albums d’Hergé -, interrogations perpétuelles - il s’intéresse à tant de sujets - et anxiété - cette pandémie, cet isolement, l’avenir -. Même s’il aime sa famille, Gabriel a un besoin urgent de retrouver école et amis pour apprendre toujours, partager plus encore savoirs et complicité.
En revanche Lucas et Ava, artistes en herbe, s’adaptent à merveille à cette vie de confinés. Loin de l’école ou du collège, ils apprécient gérer leur temps et se consacrer à leurs passions. Bien sûr Lucas travaille mais, libéré de ses exercices, il trouve le bonheur de dessiner et jouer de la guitare, de suivre des tutos pour créer ses bandes dessinées ou participer à des orchestres virtuels. Danseuse très douée et magnifique de grâce, Ava envahit le séjour et s’adonne à ses répétitions, entraînée et tirée par les conseils stricts de son professeur via des vidéos ou Skype. C’est son choix, sa projection d’avenir, son futur métier. Elle excelle mais sait qu’elle doit être encore et toujours meilleure pour pénétrer ce milieu de la danse qui ouvre si peu de portes. Elle se livre chaque jour à ses entraînements sans oublier de suivre en ligne ses cours et rendre ses devoirs. D’ailleurs à la rentrée de septembre, l’enseignement à distance sera son nouveau mode de scolarisation en lien avec son entrée dans une école de danse de haut niveau. Un préambule ainsi, qui montre qu’elle saura s’adapter à cette nouvelle trajectoire et rassure ses parents.
Interrogation en revanche pour cet autre jeune garçon qui arrive chaque soir seul à sa fenêtre au moment des applaudissements. La vie semble pour lui pas forcément réjouissante. Un petit coucou timide et rapide en tirant le rideau et ouvrant sa fenêtre les premières fois. À présent à vingt heures, c’est notre rendez-vous pour tous les deux. On s’attend, on se salue en agitant nos mains, on se sourit, on se regarde souvent puis on se dit à demain en souriant. Et oui, il revient tous les jours, certainement impatient de cet instant mutuel. Audace même : il a trouvé un sifflet et s’essaye à s’accorder avec le « la » lancé par le maître de cérémonie à l'aide de casseroles et quelques paroles chantées. Ni parents ni fratrie autour de lui, un enfant qui parait très esseulé. Qu’en est-il de son quotidien hormis ces retrouvailles à la fenêtre? Temps qui stagne?
Justement qu’en est-il d’autres enfants? Les médias rapportent les cas d’enfants en décrochage scolaire et de familles démunies pour les nourrir. Une amie alertée par les cris répétés d’un père sur ses enfants a dû appeler la police qui s’est déplacée rapidement : à priori le message serait compris mais pour combien de temps? Comment imaginer la violence et décrire ces situations terribles ? Des associations œuvrent, heureusement. Là encore l’école a un rôle important voire vital. Vite le nouveau monde après ces longues semaines de confinement en souhaitant qu’il répare !
Julie
Vos textes
Le soleil brille, le silence, blanc comme neige.
Retenir son souffle, le vent respire
Et tracer son chemin les yeux fermés
Le vague à l’âme à sa fenêtre.
Berthille D.
Vos textes
Comment ne pas rêver aux chemins forestiers
Ou à une plage blonde où s’abandonner ?
Nous voici bien sevrés de notre liberté
Figés que nous sommes en d’universels tourments
Intimement voyager en nos souvenirs
N’est-il pas le remède à solliciter ?
En quelque sorte notre bel imaginaire
Merveille inépuisable et aventurière
Entrouvre la fenêtre de nos aspirations
Naturellement ardentes et vagabondes
Toujours attirées vers l’horizon espéré
Marianne
Vos textes
Sacré virus quand tu anéantis la vie
Quand tu meurtris et condamnes de belles parentés
Quand tu bouleverses, diriges, imposes et asservis
Quand tu obliges la nation à se surpasser
Au front des professionnels forts et investis
Soins et aide, une nécessaire et salvatrice brise
Pour tous ceux qui souffrent ou sont privés de sortie
Vivement que les Hommes triomphent et te maîtrisent
Le printemps explose avec son soleil radieux
Qui ainsi soutient ou nargue selon les humeurs
Un temps apprivoisé pour chacun dans ses lieux
Début du compte à rebours avec muguet en fleurs
Marie V.